Petits ours
Si une fois il y avait des ours en Californie… – et bien sûr, il y a des ours bruns en Californie…
Beaucoup de scientifiques ont étudié la manière dont vivent les ours bruns.
Ils ont remarqué que, quand l’ourse vit avec deux petits, elle s’investit à fond dans son rôle. Elle s’en occupe, les protège. Elle leur apprend comment vivre dans la forêt. Et chaque jour, comme ils deviennent plus forts, elle est plus fière d’elle-même. Elle les aime.
C’est l’immensité de son amour qui lui permet de continuer ce travail difficile qu’est d’élever ses deux oursons. Avec tout cet amour, elle leur montre les bons endroits où trouver de la nourriture : là où poussent les baies, les courants dans lesquels il y a les plus gros poissons…
Et comme les oursons acquièrent de l’âge et de la force, ils apprennent de mieux en mieux comment survivre. La mère est de plus en plus heureuse parce qu’elle a un but, une raison d’exister. Ses enfants sont en train de grandir.
Elle s’assure qu’ils sont en absolue sécurité. Elle fera tout pour eux. Elle serait même prête à se sacrifier. Ça, c’est difficile à comprendre pour certains, mais pas pour elle, bien entendu.
Alors, elle apprend à ses oursons qu’il y a du danger dans la forêt – peut-être un homme avec un fusil qui pourrait essayer de les tuer, peut-être un lion des montagnes qui pourrait venir les manger. Elle ne se décourage pas et elle n’abandonne pas ses enfants.
Quand elle détecte un danger, elle les guide jusqu’à un grand arbre et émet un grognement particulier. Ce grognement est le signal pour que les deux oursons commencent à grimper jusqu’au sommet de l’arbre. Et c’est ce qu’ils font. Ils montent et ils s’accrochent au sommet; parce que ce sont de braves enfants et qu’ils aiment leur mère. Ils lui font totalement confiance.
Ils regardent en bas et voient leur maman : elle marche en cercle autour de l’arbre et explore d’où vient le danger. Elle est prête à lutter, à mourir. Elle va monter la garde quoi qu’il advienne.
Et ses deux enfants sont là, agrippés au sommet de l’arbre. Puis, quand cette mère courageuse remarque que tout est sous contrôle – peut-être qu’elle a effrayé le chasseur, peut-être qu’elle a grogné tellement fort que le lion des montagnes est parti… – donc, quand tout danger est écarté, elle émet un autre type de grognement qui signale aux oursons, toujours agrippés à l’arbre, qu’ils peuvent redescendre. Ils sont de nouveau en sécurité et peuvent recommencer à marcher dans la forêt.
Et c’est ce qu’ils font, car ils font entièrement confiance à leur mère. Toutefois, dès qu’elle repère un nouveau danger, elle recommence son grognement et les oursons remontent aussitôt au sommet du grand arbre. Et elle continue à prendre soin d’eux pendant de longs mois.
En fait, ce que les scientifiques ont découvert, c’est qu’elle les protège ainsi pendant deux ans. À l’âge de deux ans, les ours deviennent adultes. Mais eux ne le savent pas.
Et lorsque ses petits ont deux ans, l’ourse fait quelque chose d’encore plus courageux. Elle emmène ses enfants dans la partie la plus profonde de la forêt, près d’un grand arbre, le plus grand qu’elle peut trouver. Là, elle émet le grognement qui signale le danger.
En l’entendant, comme d’habitude, les deux ours grimpent jusqu’au sommet de l’arbre. Parce qu’ils font confiance à leur mère. Tout en s’agrippant, ils regardent en bas et voient qu’elle est là. Donc, pour eux, tout est normal : leur mère veille sur eux.
Mais ce jour-là, leur mère commence à partir droit devant elle, et ne se retourne pas. Les deux enfants se regardent : « Comment est-ce possible? Sans aucun doute, elle va revenir… Elle nous aime! »
Ce qu’ils ne réalisent pas, c’est qu’elle les aime bien plus qu’ils ne peuvent l’imaginer. Ce jour-là – les scientifiques l’ont découvert –, cette mère ne reviendra pas. Ils ne la reverront jamais.
Et ils restent agrippés au sommet de l’arbre pendant vingt-quatre heures. Puis ils se disent : « On devrait peut-être redescendre de l’arbre. Mais pour cela, on doit attendre le deuxième grognement, non? En fait, on doit attendre jusqu’à ce que notre mère nous dise de redescendre? »
Puis, ils attendent vingt-quatre heures de plus. Et ce jour-là, ils deviennent très fatigués, fatigués de suivre les règles de quelqu’un d’autre. Puis, ils ne peuvent plus continuer… Alors, ils brisent la règle et commencent à descendre de l’arbre.
Parce que vous voyez, s’ils continuent à suivre les règles de la mère, deux choses vont se produire. Ils vont rester des enfants, et puis ils vont finir par tomber de l’arbre et mourir.
Donc, pour devenir adultes, ils commencent très lentement et prudemment à redescendre de l’arbre et à se rapprocher du sol. Lorsqu’enfin leurs pattes touchent le sol, ils se mettent à utiliser leurs yeux pour regarder : est-ce que l’endroit est sûr? Ils utilisent propre nez pour flairer : est-ce que les odeurs sont familières?
C’est un prix tellement élevé de revenir au sol par soi-même.
L’humilité, en anglais, signifie revenir à la terre. Si je reviens à la terre, je suis moi-même. Si je reviens à la terre et que je brise les règles de la mère, c’est le moment où je prends ma liberté.
Parce que personne ne peut me donner la liberté. Si quelqu’un pouvait me la donner, il pourrait aussi me la reprendre. Mais, si c’est moi qui prends ma liberté et que je suis décidé à en payer le prix, alors personne ne peut me la prendre.
Personne ne peut décider pour vous si vous êtes prêt à payer un tel prix. Bien sûr, c’est juste une histoire. Mais dans la vraie vie, comment a-t-on des relations avec les gens qui sont honnêtes, indépendants et en même temps aimants ?
Racontée par Robert McDonald dans « Thérapies brèves et trauma »